journal intime
1 _ Mercredi 21 août 2002

La Rochelle

Pour mon premier texte, je pourrais commencer par parler de moi : qui je suis, ce que je fais, etc…Pourtant, je trouve qu'il y plus intéressant que moi à mes yeux : il y a ma ville, La Rochelle. Ce n'est pas forcément la plus belle du monde mais c'est celle où je suis née et où je vis depuis dix-sept ans alors pour moi oui, c'est une des plus belles.
C'est la balade que j'ai faite ce matin qui m'a donné envie d'en parler. Comme je savais que j'allais en causer sur le site j'ai été particulièrement attentive à tout ce que je voyais, plus que d'habitude. Ce matin je devais me rendre au marché me faire payer trente euros qu'on me devait encore car j'y ai travaillé cet été. Ce n'était pas un boulot désagréable, en plus ce n'était que deux matinées par semaine, je devais mettre des poissons dans du papier, et ce matin je devais aller voir Mme C. pour qu'elle me donne la fin de ma paye.
Pour les incultes en géographie ou les non-français, La Rochelle est l'une des principales villes des Charentes, située sur la côte atlantique, à l'ouest donc, sur l'océan. Ni au nord ni au sud : si vous prenez une carte de France et que vous tirez un trait au milieu, de la gauche vers la droite, vous aurez La Rochelle à l'extrémité gauche du trait…c'est clair non ?
Là où j'habite j'ai une rue à descendre et je suis sur l'avenue Jean Guiton, au niveau du Sacré-Cœur. Après j'arrive au parc. La ville est traversée de long en large par un parc bien entretenu, trop bien entretenu même, avec de l'eau qui coule et des canards que j'ai toujours connus. Quand j'étais petite je venais là tous les soirs, à l'époque il y avait plein d'animaux, des paons, des chèvres, et d'autres, aujourd'hui il y en a encore mais moins j'ai l'impression, ils ont dû supprimer quelques enclos. Par la suite c'est là que je venais promener mon chien, jusqu'à ce qu'un responsable me fasse remarquer à plusieurs reprises que mon berger-allemand risquait d'abîmer les pelouses et de faire peur aux enfants, ce qui était pourtant complètement faux.
Après le parc, on entre dans la ville proprement dite, avec des bâtiments plus vieux et plus jolis. Au numéro 35 il y a une espèce de grosse barraque qui a dû être jadis magnifique et qui aujourd'hui est toute noire de suie ou de je ne sais quoi, avec les volets gris-jaunes. Je me suis toujours demandée ce qu'on pouvait bien y faire dans ce petit manoir, je doute qu'il soit habité par une famille, je n'en sais rien.
Et puis on arrive dans la vielle ville, la vraie Rochelle, dans le port, le " vieux port " comme on dit puisqu'il y a également ici un port de commerce et un autre de plaisance. Je ne sais pas si j'aime les bateaux parce que j'aime cette ville ou si j'aime cette ville parce que j'aime les bateaux, toujours est-il que c'est toujours un plaisir pour moi que d'aller me promener par exemple du côté de La Palice, le port de commerce. C'est là que sont les vrais gros bateaux, ceux qui font le tour du monde, les gros cargos crasseux qui ont l'air de naviguer depuis des éternités. Aujourd'hui, l'accès à ce port est devenu interdit au public mais heureusement un ami de la famille travaille là-bas et grâce à lui je peux aller régulièrement voir les bateaux, mais aussi quelquefois les visiter, assister au déchargement des marchandises, voir les marins…C'est beaucoup mieux que le port de plaisance où sont entassés les voiliers tout blancs tout propres des riches de la ville ou d'ailleurs : je n'aime pas du tout cette manière de naviguer et beaucoup d'entre eux ne se sont jamais vraiment éloignés des côtes françaises…c'est nul.
Ce matin c'est donc au vieux port que j'étais, celui à partir duquel tout a commencé je suppose. Parfois j'essaie de l'imaginer tel qu'il était il y a cinquante ans, cent ans, quatre-cents ans… Cinquante ans en arrière j'arrive à imaginer grâce à ce que m'en a raconté mon grand père. Cent ans c'est déjà plus dur, et quatre cents ans… Là c'était la grande époque de La Rochelle, qui était l'une des principales villes françaises et la capitale nationale du protestantisme, à l'époque où les conflits de religion faisaient rage dans le pays. J'ai bien retenu ce qu'on m'a appris à ce sujet : le roi Louis XIII et Richelieu ont assiégé la ville pendant plus d'un an en 1628. Les rochelais ont tenu quinze mois avant de se rendre, ayant perdu l'espoir d'être aidés par les anglais pourtant sur place. Le maire de la ville, l'un des héros de la cité, c'était Jean Guiton, qui a donné son nom à l'avenue dont j'ai parlé tout à l'heure. Après quinze mois les rochelais se sont rendus : 22 000 habitants sur 27 000 étaient morts de faim, après avoir mangé du rat, de l'herbe, et de la chair humaine. Ca me fait drôle de penser que ça s'est passé ici même, à l'endroit où je vis en ce moment…
Mais je parle je parle et je m'éloigne de mon sujet.
J'arrive au vieux port donc. A gauche la grosse horloge qui est l'un des symboles de la ville. En face il y a les deux fameuses tours, la tour St Nicolas et la tour de la chaîne, qui sont elles aussi deux symboles de la ville, comme l'horloge, et qu'on appelle les " filles de La Rochelle ". La plus petite doit son nom au fait qu'autrefois ils mettaient une grosse chaîne pour barrer l'entrée du port. La chaîne en question est toujours là, à côté, et c'est clair que ce n'est pas une chaîne de minus, elle est énorme.
Les bateux du vieux port sont de tous types, il y en a des jolis et des moins jolis, mais bon dans l'ensemble ce n'est pas trop mon genre. Il y a ici la statue d'André Duperré, un autre personnage marquant de la ville. Je me suis arrêtée pour lire la plaque sous la statue : c'est bête ça fait dix-sept ans que je passe devant et je ne l'avais encore jamais lue. Et ce qui est encore plus bête c'est que je l'ai lue ce matin et que j'ai déjà oublié ce qu'il y avait d'écrit…Je me rappelle juste que c'était un gosse d'une famille rochelaise de vingt-deux enfants (rien que ça !), qui avait été marin, grand amiral sous Napoléon et après, et qui avait fini ministre de la marine. Une famille de vingt-deux enfants, ça laisse pensif quand même…
Je longe l'eau et j'emboîte le pas à la rue du port qui, comme son nom l'indique, commence au port. Là c'est les petites ruelles pavées et ombragées. Le flot énorme des vacanciers de l'été s'est dissipé, on peut y marcher tranquillement désormais. Finis les restos de fruits de mer qui étendent leur terrasse jusqu'au milieu de la rue déjà pas très large. Encore une rue et j'arrive sur la place de l'hôtel de ville, la plus belle de la ville, avec la poste dans un large et vieux bâtiment, et surtout la mairie, un très vieux bâtiment qui date probablement de l'époque dont je parlais tout à l'heure, Richelieu, Louis XIII, les protestants, etc… Ca aussi c'est un symbole de la ville. Au milieu de la place trône Jean Guiton, encore lui, décidément c'est bien le number one de la ville.
J'emprunte une autre rue et quelques minutes après me voilà enfin au marché. Si j'osais je dirais bien que lui aussi c'est un symbole, mais on va finir par croire qu'il n'y a que des symboles ici alors je le dirai pas. Le bâtiment du marché, si je devais le décrire, je dirais que c'est une espèce de très gros manège carré, coloré et léger mais solide quand même. Ici on y vend surtout des poissons, des crabes, des crevettes et autres écrevisses.
Comme je suis arrivée sur la fermeture, j'y ai été accueillie par un tapis de feuilles de salades. Je suis allée retrouver Mme C. qui m'a donné mes trente euros en me remerciant, que je lui avais rendu un grand service, mais non que c'était moi etc etc…
Voilà ce que j'ai vu de La Rochelle ce matin, il y aurait bien d'autres choses à dire, une infinité, j'en aurai sûrement l'occasion plus tard. Il paraît que quand on raconte quelque chose il faut commencer par planter le décor : c'est fait, j'ai décrit ma ville.

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